Le pays dont on vient

Le pays dont on vient, c’est comme la famille. On ne l’a pas choisi. Il arrive qu’il nous fasse honte, mais c’est comme ta mère : il n’y a que toi qui peux critiquer. On y a reçu nos premières leçons, les choses à dire et celles à taire ; quand rire et quoi faire. Il a fixé les premières habitudes, la raclette avec les cornichons, l’avis du Conseil fédéral avec les votations… D’accord ou pas, on est imprégné. C’est ce bagage-là qu’on promène dans le monde ; c’est avec lui qu’on compare, c’est avec lui qu’on comprend. Le pays dont on vient, c’est comme la famille : on commence par en faire partie ; il finit par faire partie de nous. 
 
Paru dans le livret « SRF ist… », sous la section « Identitätstiftend », Schweizer Radio und Fernsehen, 2015.

Marignan, etc.

Rédigé dans le cadre dʼune action de «Art+politique», Hourra, perdu ! 499 ans, Marignan (www.marignano.ch/), juillet 2014

Il était une fois de valeureux guerriers, quʼon appelait les Suisses. Ils avaient de gros mollets de montagnards, et jetaient à lʼoccasion des troncs dʼarbre sur leurs ennemis (Morgarten, 1315). Ils étaient si puissants et si sauvages que tous les princes dʼEurope, et jusquʼau pape, payaient des sommes folles pour que ces hommes fassent partie de leurs armées.

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Pourquoi j’écris

J’écris par vengeance.
Ça a été le seul moyen de casser la gueule à Florian. Il n’en a jamais rien su, mais je lui ai découpé les organes et arraché les dents.
Le lendemain, le lever du jour faisait une ligne turquoise sur la bordure des montagnes. Au-dessus, la nuit passait au bleu de prusse, et j’ai regardé le turquoise prendre la maîtrise du ciel.  Alors il a fallu que je prolonge l’instant et j’ai pris un stylo. Depuis, il continue de vibrer; c’est un instant suspendu, dilaté comme une bulle.
Ce soir-là, on m’a demandé pourquoi j’écrivais. J’ai parlé des auteurs que j’aime et des émotions esthétiques. Exaltée, j’ai dit: “Le plaisir du rythme, des sonorités du texte, n’a pas de concurrence.” Et j’ai réalisé que ma braguette était ouverte.
En rentrant, j’ai écrit l’histoire de cet homme qui fait une déclaration d’amour avec du persil dans les dents. Ça m’a fait rire; j’ai remercié cette conne de braguette. Dehors, la lune avait une drôle de couleur, les arbres craquaient dans le vent noir. Je suis sortie et j’ai cherché les mots adéquats. C’est en les trouvant que j’ai accédé à cette lune et ce vent-là.

En m’endormant enfin, je me suis demandé ce qui valait la peine d’être dit. Mais, même si je me pose la question, ce n’est pas là ce qui me pousse à écrire.

Publié dans LA PIJE (journal autour du PIJA), no 2, juillet 2012, numéro en partie dédié à la question « Pourquoi j’écris? ».