Pierre s’en va au Parlement, 1er août 2011, La Liberté
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Ecrit et réalisé pour SCIENCE & FICTION – Minimalismes narratifs
Exposition, La Générale en Manufacture, Sèvres, France, janvier 2008
Impression numérique, 240 x 150 cm
Marc est accoudé contre le rebord de la fenêtre ; il regarde les nuages. C’est ce qu’il préfère, lorsqu’enfin le temps s’arrête et que les nuages prennent l’intérieur de sa tête. Il cesse de penser, ne participe plus. Il est ces nuages lourds, baladés dans un grand souffle. Plongé hors du temps, heureux.
Derrière lui, la porte claque. Il sursaute. Descend du ciel et retrouve son appartement, se retourne ; elle est en train de poser sa veste sur le porte-manteau. Elle s’approche. « Toujours dans les nuages ? » Il hoche la tête. Ils se sourient. Silencieux encore, il pose une main chaude sur sa joue à elle, qui est glacée : « Il fait froid…
-Oui… On ferme la fenêtre ? » Il s’éloigne un peu du rebord ; elle ferme la fenêtre.
« T’es prêt ?
-Quoi ? déjà ?
-On a rendez-vous à 19h…
-Ah, pardon, je croyais que c’était à 19h30… Je vais me laver les dents. » L’écarte un peu de lui. « Ça va, comme je suis ? » Elle le regarde, amoureuse, ses beaux yeux, la délicieuse, son beau regard qui le détaille : « T’es le plus beau, de toute façon…
-Non, mais comme je suis habillé, je veux dire… Je devrais mettre une chemise?
-Ah, mais non. J’aime bien ce t-shirt. » Et parce qu’il lui plaît tant, elle s’approche et l’enlace. Elle a dans les mains tout son torse fin, elle le respire. Après quelques secondes, il s’éloigne : « Faut que je me lave les dents, on va être en retard, je déteste ça. » Dans son dos, elle sourit. Elle le connaît bien. Elle sait qu’il déteste être en retard et c’est pour lui qu’elle s’est hâtée de rentrer. A elle, ça lui est égal. Elle est toujours en retard.